Une France plurielle faite de toutes ses singularités

Débat intitulé :  « Histoire et récit national. L’usage de l’expression « Nos ancêtres les Gaulois» est-il dangereux? – L’Humanité – 28-09-2016

Mohamed OuaddaneMohammed  Ouaddane Délégué général du Réseau Mémoires- Histoires en Île-de-France, coordination générale de l’Inter-Réseaux national Mémoires- Histoires.

Voir l’article en ligne sur http://www.humanite.fr/lusage-de-lexpression-nos-ancetres-les-gaulois-est-il-dangereux-616476

Une France plurielle faite de toutes ses singularités

L’histoire de France se conjugue au pluriel par le passé comme au présent et dans la société à venir ! Oui, mais pas pour tout le monde. Les idéologues en tout genre et de tous bords prospèrent avec le « commerce de la mémoire ». Ils surfent sur un fonds de méconnaissance des citoyens des faits historiques et de l’histoire, tout en pratiquant l’art de l’occultation, du déni, voire de la falsification. Leur instrument principal, « le peuple », racialisé, essentialisé, mythifié ! Comment en effet prétendre s’insurger contre toutes les formes de communautarisme, d’une part, et fabriquer – par ailleurs – de toutes pièces « des histoires à dormir debout » conduisant aux mêmes mécanismes de repli identitaire ? Les experts en histoire nationale entretiennent le « roman national » en dépit de l’évidence, et sans parler de la démonstration scientifique et critique qui peut y être opposée. Il ne s’agit pas de contester les figures de Vercingétorix ou de Jeanne d’Arc… C’est le recours au registre fictionnel de ces figures mettant en scène le mythe national – déjà dénoncé, il y a trente ans, par l’historienne Suzanne Citron – qui fait question ! Il fige la réalité en dehors de l’histoire.
Or, ne nous y trompons pas ; derrière les aventures d’Astérix et Obélix, Goscinny et Uderzo dénoncent l’ethnocentrisme de nos concitoyens. L’enseignement de l’histoire de France doit être transmis avec un sens élevé de l’éthique de responsabilité et de l’ouverture. Cette histoire, ces histoires de France, s’inscrit dans une histoire globale et connectée au monde en tout temps. Cette histoire n’est ni négative ni positive, elle est faite aussi de contradictions qu’il est nécessaire de reconnaître pour avancer.
Comment transmettre autrement, transmettre une histoire non exclusive, qui ne prend pas en otages la République, ses valeurs et ses citoyens de toute provenance. Une France dépouillée de toutes ses identités ne pourrait faire France, n’en déplaise aux trafiquants d’histoires qui n’y connaissent rien en conjugaison et ignorent cette belle grammaire !
Que peut-on dire à un enfant de la République, si on lui renie le droit à sa singularité plurielle ? Être français et parler breton, corse, italien, arabe ou chinois… serait-il incompatible avec le fait d’être français ? Il est urgent de faire face au « démon des origines » – pour reprendre l’expression du démographe Hervé Le Bras –, et continuer à construire non une France assimilationniste, mais une France plurielle, faite de toutes ses singularités.
Contre toute forme d’écriture idéologique ou officielle de l’histoire, la vigilance n’incombe pas uniquement aux historiens critiques, elle doit être partagée par le plus grand nombre de citoyens. Les trous de mémoire et d’histoire ne peuvent être éludés en permanence et de manière cyclique par des discours ou postures en trompe-l’œil. Il importe de prendre réellement en compte dans les programmes scolaires les contenus de l’histoire coloniale, des migrations, des luttes sociales… Cette transmission doit être effective également dans l’espace public et impliquer la majorité des citoyens. De plus en plus d’expériences citoyennes – certes, encore peu audibles ou visibles – proposent une réelle alternative d’éducation populaire, interculturelle et globale pour contrer toutes les formes de réaction et de régression sociale et politique. Les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité ne pourront progresser qu’à cette condition !

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