18-04-22- Ce que Fabien Roussel aurait pu répondre au collectif « Pour que vivent nos langues »…

Le contexte : fin janvier, ce collectif (https://pourqueviventnoslangues.com/) rassemblant les principales associations œuvrant pour les langues régionales a adressé aux candidats à la présidentielle – extrême-droite exclue – un questionnaire à propos de leur volonté de prise en compte de la diversité culturelle et linguistique du pays.

L’équipe de Fabien Roussel m’a alors demandé de travailler à une réponse, chose que j’ai faite en me faisant contrôler par plusieurs camarades compétents. J’étais totalement confiante : on m’avait demandé la même chose en 2017 et mes propositions avaient été adoptées « en haut lieu », devenant celles du PCF.

Il n’en a rien été en 2022. Non seulement j’ai dû attendre des semaines avant la moindre réaction « officielle » quant à mon texte, mais j’ai eu la surprise de voir celui-ci remplacé par ce qui est une non-réponse aux questions posées. Résultat : cette « réponse » a été classée bonne dernière après celles de Jadot ou Poutou, mais aussi après Pécresse et… Mélenchon dont on sait les réticences hautaines qu’il exprime par rapport aux langues autres que le français.

Résultat : pendant un mois et demi, j’ai été empêchée de faire campagne pour Fabien Roussel dans le milieu des langues régionales ou je suis connue comme communiste et respectée, dois-je dire, malgré ce fait. Et ce, malgré de nombreuses exhortations de ma part et le soutien de camarades responsables des régions concernées, d’élus et anciens élus.

Cette situation sur laquelle je réagis à froid, une semaine après notre immense déception face à un score aussi bas, doit amener le PCF à une profonde réflexion sur une pratique anti-démocratique – et contre-productive. Quant à la question des Langues régionales, elle a été tranchée dans le Parti par de nombreux débats, colloques, déclarations, projets de loi, mais aussi par les luttes menées sur les territoires, avec les militants de ces minorités linguistiques et culturelles et les engagements de nos élus sur les territoires concernés.

Vous trouverez à la suite les réponses que j’avais préparées pour les six questions posées.

Marie-Jeanne Verny, militante occitaniste, adhérente du PCF depuis 1976

Question 1- La censure partielle de la loi Molac en mai 2021 a montré que l’interprétation faite par le Conseil constitutionnel des articles 2 et 75-1 de la Constitution pouvait entraver le développement des langues régionales tel que souhaité par une grande partie de la population et des élus. Si vous êtes élu, proposerez-vous une révision de la Constitution en faveur des langues régionales ? Si oui, quelle(s) modification(s) proposerez-vous, et à quelle échéance ?

Réponse : Le premier article censuré par le Conseil Constitutionnel autorisait un enseignement de et en langue régionale pouvant dépasser les 50% du temps scolaire actuellement stipulés par les textes concernant l’enseignement bilingue public. Le Conseil semble avoir cru, ou feint de croire, que cela valait élimination totale du français, et l’imposition d’une autre langue à des citoyens qui n’en voudraient pas – alors même que par définition l’inscription d’un enfant dans une filière bilingue relève justement du choix volontaire des familles. Je crois pour ma part que si le français est notre langue commune – qui en douterait ? – il n’est pas pour autant langue unique, et qu’il peut parfaitement cohabiter, à l’école comme ailleurs, avec une autre langue de France, ne serait-ce que pour que les enfants concernés bénéficient des bienfaits cognitifs du bilinguisme précoce. Quand cessera-t-on d’avoir peur de langues parlées par des citoyens aussi Français que ceux qui ne les parlent pas ?

Le vrai problème est ailleurs : le gouvernement Macron et son ministre de l’Éducation nationale ont multiplié pendant cinq ans les affirmations de l’amour qu’ils portaient aux langues régionales, sans jamais leur donner les moyens concrets de se développer, notamment à l’école. Il va sans dire que pour moi, cela doit changer, que ces moyens doivent être accordés à ces langues, comme, d’ailleurs, aux langues anciennes, latin et grec, voire aux langues minoritaires parlées par des citoyens d’origine étrangère, langues qui elles aussi font partie du patrimoine national, en particulier celles qui ne sont soutenues, en dehors de nos frontières, par aucun État.

Quant au fameux – et récent – article 2, il s’avère évident que, initialement prévu pour défendre le français contre les abus d’anglicismes, il n’a aucunement empêché cette invasion de l’anglais et qu’il est régulièrement invoqué contre les langues régionales, pourtant élément du patrimoine national comme indiqué… à l’article 75-1 « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France », dans le chapitre sur les collectivités territoriales, ce qui est, en soi, un paradoxe, et semble exonérer la Nation de toute responsabilité… C’est donc l’article 2 qu’il faut modifier. Pour nous, que le français soit langue commune de la République ne devrait pas en faire la langue unique de celle-ci. Il y a donc deux solutions qui devront être soumises à discussion :

  1. La langue commune de la République est le français.
  2. La langue de la République est le français, dans le respect des langues régionales, élément de son patrimoine vivant

Question 2. Actuellement l’enseignement des langues régionales souffre de l’insuffisance de moyens dédiés, de l’oubli de ses spécificités lors des réformes successives, de la mise en concurrence de ces langues avec d’autres enseignements. Leur transmission est ainsi gravement compromise. Si vous êtes élu, mettrez -vous en place un statut et des moyens spécifiques pour les langues régionales dans l’enseignement ?

Réponse : Oui. Nos constatations de terrain nous montrent que sans moyens dédiés, dans le cadre des dotations horaires globalisées étriquées, tout ce qui relève de la culture dans l’offre d’enseignement est sacrifié, livré à l’initiative privée, qu’elle soit bénévole ou, très souvent, lucrative, et souvent renvoyé au hors-temps scolaire.

Par ailleurs, seules des enveloppes de moyens spécifiques peuvent mettre ces enseignements à l’abri de la concurrence.

Question 3- De manière générale, la préservation des langues régionales est tributaire de leur usage régulier et de leur réappropriation dans la vie publique.  Des modalités spécifiques permettraient leur utilisation généralisée dans notre société avec le français, langue commune de la République, là où elles sont en usage, pouvant aller jusqu’à un statut de co-officialité dans les territoires qui le demanderaient. Quelle est votre position par rapport à cette reconnaissance ? Si vous y êtes favorable, quelles mesures mettrez-vous en place pour y parvenir ?

Réponse : La co-officialité a déjà été demandée par nos camarades corses, dans le cadre de délibérations unanimes, suite aux travaux du sociolinguiste communiste Jean-Baptiste MARCELLESI.

Ailleurs, les situations sont diverses. Mais il faut évidemment progresser pour plus de langue régionale dans l’espace public, le bilinguisme étant, en soi, formateur. Le travail mené, par exemple, en Région Occitanie-Pyrénées-Méditerranée, par le vice-président communiste aux transports – malgré les freins mis par la SNCF – est un exemple de notre volonté politique.

Question 4.  L’ambition de l’Europe est d’être un territoire de paix, de respect de la diversité, de créativité et de droit commun comme le rappelle l’article 2 des traités européens. En complément de la modification de la Constitution en France, ferez-vous ratifier, dans le respect des droits fondamentaux et sans clause interprétative, la Charte du Conseil de l’Europe sur les langues régionales ou minoritaires de 1992, signée par la France mais toujours pas ratifiée ?

Réponse : Oui. Notre parti s’est prononcé pour cette ratification. Voici notre déclaration : DECLARATION DU PCF SUR LES LANGUES REGIONALES[1]

https://www.rtl.fr/actu/politique/le-pcf-favorable-a-la-ratification-des-langues-regionales-7778644766

2015-déclaration PCF sur la charte européenneLa France doit signer et ratifier la Charte européenne sur les langues régionales ou minoritaires. Le Parti communiste français est favorable à cet acte politique, que ses élus ont d’ores et déjà approuvé au Parlement européen. La nation française s’honore de la diversité des langues et cultures régionales. Cette richesse constitue le ciment d’un patrimoine national vivant qui porte l’histoire des hommes et femmes de notre pays. Il s’agit, en permettant à chaque citoyen d’explorer celle-ci, de faire vivre dans les actes les valeurs d’égalité, de liberté, de justice, fondatrice de la république. Mettre au cœur du développement de la société l’épanouissement d’un être humain libre, a des exigences. La première d’entre elles est de permettre à chaque citoyen de devenir propriétaire de son histoire, de sa langue, de sa culture. Ce citoyen alors, nous semble-t-il, est en capacité d’accueillir, de comprendre les autres histoires ; les autres langues, les autres cultures. Au contraire du repli sur soi identitaire il s’agit de promouvoir la coopération, l’échange.

Nous ne voulons pas d’une France, d’une Europe, d’un monde, standardisés, normalisés, un monde du « prêt-à-penser-unique ». Ce monde c’est celui où la personne humaine est soumise, celui où la puissance de l’argent domine, celui des centralisations étatiques qui appauvrissent au lieu de libérer l’intervention et l’invention des citoyens. Au contraire, nous voulons promouvoir une conception de la puissance publique qui permette à chacun d’être un acteur de son destin. L’égalité dans l’apprentissage et dans l’usage de la langue nationale comme de la langue régionale, est en cela une pièce décisive de l’équilibre démocratique. Le peuple français, comme tous les peuples, a besoin que se déploie sa diversité. L’Europe a tout à y gagner. Encore faut-il que celle-ci soit forte elle aussi, de sa multiplicité linguistique, et ne s’inscrive pas dans des logiques qui la nient comme c’est le cas aujourd’hui.

Notre soutien à la Charte européenne sur les langues régionales ou minoritaires est partie prenante de notre engagement pour la réorientation progressiste de l’Europe pour une Europe respectueuse de la réalité de chaque peuple, ouverte sur le monde. En France, nous interviendrons pour que les moyens soient dégagés afin de mettre en œuvre les dispositions de la Charte. Dans ce domaine, la responsabilité publique et nationale doit être précisée et les ressources définies clairement, dans le cadre des compétences qui seront assignées à chacun.

Partout où cela sera nécessaire, les communistes s’efforceront avec ceux qui ont à cœur la promotion des langues et cultures régionales, de construire les projets audacieux, qui stimuleront l’intervention publique. Partout où cela sera nécessaire, les communistes s’engageront avec ceux qui veulent être les acteurs d’une politique culturelle ambitieuse ouverte à tout ce qui constitue notre patrimoine et nourrit son devenir.

Question 5.  Actuellement l’article 312-10 du Code de l’éducation issu de la loi d’orientation de 2013 n’est pas respecté par les services du Ministère de l’Éducation nationale et ces mêmes services ne souhaitent pas la mise en œuvre de l’article 312-11-2 issu de la récente loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion qui stipule que « la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés, dans le but de proposer l’enseignement de la langue régionale à tous les élèves ». Ferez-vous respecter ces deux articles de loi pour que l’enseignement de la langue régionale soit effectivement « favorisé » et « proposé » « à tous les élèves » dans les territoires concernés ?

Réponse : les articles L. 312-10 et L. 312-11-1 organisent l’enseignement des langues régionales dans le cadre de conventions passées entre les collectivités et l’État.

Cela dit, l’article 75-1 de la Constitution intègre ces langues dans le patrimoine national. Cela signifie donc que c’est d’abord à l’État d’assurer une véritable offre d’enseignement prioritairement dans les territoires concernés, en liaison, conformément aux textes, avec les collectivités territoriales par voie de convention. Mais il n’est pas question de laisser l’État se défausser en la matière sur des collectivités dont les ressources ne sont pas extensibles.

Si les langues régionales sont un élément du patrimoine vivant de la France, il convient en effet que tous les enfants se voient offrir leur enseignement et non d’attendre que des familles plus conscientes que d’autres en fassent la demande.

Bien sûr cela doit passer par des conventions entre Rectorats, Régions, mais aussi Universités : celles-ci étant autonomes dans la gestion de leurs moyens (loi LRU), rien ne les oblige à ouvrir les formations nécessaires. Leur intégration dans les conventionnements est donc indispensable.

6. Le Ministère de la Culture a aussi un rôle indispensable pour l’avenir de nos langues et leur contribution à la richesse et à la diversité culturelle de la France. Mais actuellement faute d’un budget dédié suffisant ce rôle reste très limité. Prendrez-vous les décisions nécessaires pour que les moyens financiers et humains en faveur des langues dites régionales soient augmentés afin qu’ils soient plus en rapport avec leurs besoins et les enjeux qu’elles représentent ?

Réponse : Bien évidemment ! Notre parti a toujours estimé que la culture était un bien commun et qu’il était nécessaire de diversifier et d’amplifier l’offre culturelle. Il en fait la preuve dans sa presse et dans les municipalités qu’il gère. Les langues de France dites « régionales » sont un élément important de la culture, et, à ce titre, elles doivent bénéficier des moyens nécessaires pour vivre et se développer.

***

En complément : les actions passées ou présentes de nos élus en matière de langues régionales sont la preuve de la permanence de nos engagements.

Quelques exemples, pris dans les seules 30 dernières années :

 



 

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